Place Clémenceau à Biarritz, l’oncle Diribarne crée « Le Comptoir des denrées coloniales ». C’est le temps des bains, de l’opulence et d’une vie de cour autour de l’impératrice Eugénie qui venait jusqu’alors. Les grands du monde se pressent à l’épicerie où l’on découvre déjà les saveurs venues d’ailleurs.
La station balnéaire effervescente représente la modernité. « La gare du Midi » est tout juste inaugurée au cœur du centre commerçant. Les trains à vapeur y déposent des flots de voyageurs et de célébrités venus profiter de la mer et des gourmandises régionales.
L’oncle Diribarne vieillissant s’adjoint le dynamisme et la jeunesse de son neveu Arnaud Arostéguy, son héritier. Hélas, c’est également l’année de la déclaration de la première guerre mondiale. Arnaud (en bas à gauche sur la photo) est mobilisé, l’épicerie est déplacée provisoirement rue Victor-Hugo, en face de la pharmacie.
Marie Arostéguy, la femme d'Arnaud, alors seule avec leur fils Félix né en 1912, emménage dans l’ancienne pharmacie désertée. Le mobilier et les boiseries de l’apothicaire seront le charme de la nouvelle épicerie qui y prendra vie à la fin de la guerre.
Le nom sonne juste. C’est la fin de la guerre, le début d’une nouvelle ère. L’épicerie Arnaud Arostéguy se tourne vers le monde avec des produits et un service destinés à une nouvelle clientèle fortunée anglo-saxonne et russe. Sur le bas de la vitrine est inscrit « English and American Store » et Marie, Arnaud, Félix et les employés prennent la pose. Arnaud Arostéguy importe déjà des produits spécifiques tels que la « Piccalilly Sauce » ou le « Dry Gin Bombay ».
C’est le début des années folles : artistes, aristocrates font la vie des jours et des nuits de Biarritz. En villégiature, Picasso, Chaplin, le Prince de Galles futur roi Edouard VIII et la communauté russe installée à demeure apprécient l’abondante sélection de la maison. La princesse Galitzine, fille du grand duc Pierre Nikolaïevitch lui sera une fidèle cliente jusqu’en 1980. Un exemple de facture de l’époque démontre la vitalité commerciale de ces années joyeuses.
Félix a grandi. À 21 ans, l’âge de la majorité à l’époque, c’est un homme avec une forte personnalité. Il quitte « l’Épicerie du Progrès », le nid familial avec l’envie du voyage et de la découverte. Il rejoint Londres pour un apprentissage chez le plus ancien et prestigieux importateur de thé & café « Fortnum & Mason ». Puis chez « Monsieur Poivre » un grand triturateur d’épices, 100 rue Vallée dans le 17ème arrondissement de Paris où il parfait sa formation. (Félix, à droite sur la photo)
Biarritz est une ville riche et le lieu de tous les possibles. L’architecture art-déco a façonné la ville en une quinzaine d’années. Les femmes sont élégantes, Chanel les libère avec des pantalons et des robes confortables. Félix Arostéguy revient, heureux, formé. Il est déjà passionné de moto et de Jannie. Une jeune femme sublime qui devient très vite sa femme et la mère de Jacques puis de Maïder.
Une autre guerre. Félix est appelé pour ses classes à Tarbes au 2ème Hussard. Il s’y rend à moto et rencontre Jacques Dufilho et Henri Génès. C’est en partant pour la guerre à moto qu’il a un accident. Il est rapatrié et redevient naturellement épicier. À la fin de la guerre, une bombe explose rue Victor-Hugo et détruit la devanture de l’épicerie. La vitrine change de style.
Chez les Arostéguy, le chien a toujours une place dans le cœur des hommes. Un compagnon de chaque génération devenu presqu’une mascotte. Il est courant au fil de l’histoire et des photos d’apercevoir l’ami du sympathique et convivial épicier.
Si la maison est conviviale, rien d’étonnant que le visiteur soit tenté de passer un bon moment avec Félix. C’est ainsi que du fils d’Alfred Hitchcock, surfeur et amateur de grands vins pour accompagner son sandwich, à Luis Mariano interprétant dans l’épicerie une quinzaine de personnages pour un « One Man Show » à la télévision, tous apprécient la maison au « service de la succulence », comme l’écrira « Le Monde ».
En tournant les pages, il est écrit des histoires, apposé des signatures. Des gens merveilleux ont passé la porte de l’épicerie. Et comme dans la caverne d’Ali Baba, tous sont repartis avec des produits du monde entier sélectionnés par Félix Arostéguy. Certains sont des amis, Catherine Deneuve, Mireille Darc, les Compagnons de la Chanson, Michel Guérard, le comte d’Arcangues, Jean-Jacques Goldman… et bien-sur Henri Genès et Joseph S.
« Pourquoi, me direz-vous, ces grands jours rappeler ? Il s’agit, chez Arostéguy d’un jubilé, D’un livre d’or aux impromptus jets de plume. Et non pas de fantôme auguste mais posthume, D’un centenaire mil neuf cent soixante dix, Bavard, qu’a-t-il rapport avec ce temps jadis ? » Extrait d’un texte de Joseph S.
Félix Arostéguy passionné de belle mécanique et toujours soucieux d’offrir le meilleur service à ses clients, propose la location de Vespas, Solex et triporteurs. Toujours à la pointe du meilleur et des nouveaux courants, il sera le premier à parcourir la côte en Vespa en 1946. Et aussi, le dernier possesseur d’une camionnette 2CV en France. Vintage Félix ! Dénicheur et visionnaire aussi, il importe des USA une révolutionnaire moto électrique avec batterie de voiture sur laquelle le staff s’empresse de poser pour la photo souvenir.
Elle est élégante, possède la beauté de sa mère Jannie et la convivialité de son père Félix, Maïder Arostéguy donne à l’épicerie fine un nouveau souffle et une touche de féminité nécessaire. Son père lui confie la gestion commerciale de l’entreprise. C’est une grande première dans la lignée Arostéguy.
Pour ses 70 ans, Félix Arostéguy convie les commerçants de la rue Victor-Hugo dans la belle et authentique épicerie de famille. 47 ans déjà qu’il est triturateur d’épices ici et l’une des figures emblématiques de Biarritz. Ce jour est celui du partage, de la joie dans l’espace où il a grandi et travaillé dur. Il souffle les bougies parmi les siens. Le maire Bernard Marie est présent.
Il est des moments difficiles de la vie qui appellent les souvenirs. Avec la disparition de Maïder Arostéguy c’est une nouvelle page qui se tourne. Pour lui rendre hommage, Robert Rabagny, son ami, crée la compétition de surf Quicksilver Maïder Arostéguy qui ouvre chaque année à Pâques depuis 30 ans la saison des compétitions de surf à Biarritz.
Son enfance dans l’épicerie, ce sont les week-ends et toutes les vacances « les deux pieds, les deux mains dans les cornichons » comme il dit. À 26 ans, Pierre Arostéguy rejoint son grand-père Félix au sein de l’épicerie. Ensemble, ils travailleront près de 20 ans. Le temps de la transmission de l’histoire, de la connaissance, du savoir-faire, de l’humour et de la gentillesse.
Riche de son histoire, avec une clientèle fidèle depuis toujours, un personnage de caractère qui est une mémoire vivante, l’épicerie prend un nouvel essor. Sous l’impulsion de Pierre la marque « Maison Arostéguy » voit le jour en 1990. La vitrine change de nom. La collection éponyme séduit les professionnels de la cuisine. Elle est revendue dans les plus grandes épiceries fines de France et plus loin à Bruxelles, Tokyo, Los Angeles. La Maison communique par la publicité pour la première fois.
En professionnel, Pierre Arostéguy s’en va parcourir le monde à la découverte des saveurs, des épices, des condiments originaux et gustatifs qui donneront du plaisir à ses clients. De son premier voyage en Inde, il scelle un partenariat exclusif avec Jamsheed Patel pour la marque de curry et chutney Sun Brand reprise à Fauchon.
C’est un nouveau saut dans le futur avec l’ouverture de la boutique en ligne. Le monde entier peut désormais commander les spécialités de la maison, les meilleurs produits du terroir basque et des cinq continents. La volonté de préserver les valeurs de la Maison depuis 5 générations tient à cœur à son créateur.
Afin que ce piment aromatique au piquant subtil soit protégé et reconnu dans ses spécificités, il fallait créer une appellation. Pierre Arostéguy participe à l’élaboration du cahier des charges de l’AOP. Un travail de dix ans avec l’INAO, les professionnels et les producteurs pour établir les caractéristiques propres de ce piment singulier entrant dans de précieuses compositions d’épices. Le premier au monde à avoir une AOC ! Autrefois, Félix faisait partie de la Confrérie du Piment d’Espelette.
L’épicerie fine en héritage, la cinquième génération en porte le devenir. Pierre et Maïder, sa sœur, sont désormais ensemble à la tête de la boutique à la vitrine bordée de bleu.
Pierre Arostéguy compose une recette originale, un « sel fou » comme il dit ! La « Force Basque » Maison Arostéguy est un mélange savamment dosé par l’épicier de fleur de sel de Guérande, de piment d’Espelette, de baies roses et de persil. D’une pincée, il assaisonne en fin de cuisson les viandes et les poissons. Le petit pot entre dans les cuisines, le premier d’une dizaine de préparations exclusives qui enchantent les recettes aujourd’hui.
En route pour le Japon cette fois ! C’est en allant à la rencontre d’un ami que Pierre Arostéguy découvre dans une épicerie du sud de Tokyo une baie citronnée ultra fraîche en bouche. Le Budo Sencho va inspirer sa nouvelle composition aromatique, la « Force de l’Océan ». Un autre succès ! Le mélange de sel de Salies-de-Béarn, Budo Sencho et filaments de safran accompagne divinement les poissons en fin de cuisson ou en carpaccio.
Dans une recherche d’authenticité les photographes ne s’y trompent pas, l’épicerie est un studio vivant. L’ambiance chaleureuse de la Maison Arostéguy, sa lumière particulière, son mobilier originel de la pharmacie d’autrefois, ses multitudes de beaux produits, la gourmandise qu’ils suggèrent, insufflent la création. Ici, le mannequin pose pour une série de mode du grand magasin espagnol, El Corte Ingles.
Le changement dans la continuité, c’est le leitmotiv de Pierre. La boutique fait peau neuve mais la Maison Arostéguy garde son âme d’antan. La vitrine retrouve sa grande ouverture d’origine, les boiseries de pich pin et le mobilier sont préservés et réaménagés pour rendre plus accessibles au grand public les assortiments de produits. Les éclairages, le plancher, les hauts plafonds sont rénovés avec quelques touches de modernité. Il suffit de lever les yeux pour découvrir au plafond l’histoire de la Maison des débuts à nos jours avec Félix jouant de l’accordéon. C’est beau, c’est grand, attrayant et toujours chaleureux et convivial.
C’est lors d’un premier voyage en 1994, alors qu’il rencontre la communauté basque de Santiago, que Pierre fait la connaissance de l’oncle Jorge. Le descendant de Marie Arostéguy Iribarne venue en 1908 avec son mari Guillaume s’installa dans le sud du Chili et ouvrit une Panaderia Francesa. Emouvant moment avec Jorge qui montre à Pierre des photos de toute la famille Arostéguy.
Pierre Arostéguy fête ses vingt cinq ans d’entreprise. Une épicerie qui a su grâce à lui évoluer avec ses racines et s’appuyer sur l’histoire d’une famille de triturateurs d’épices. Avec lui, c’est la continuité d’un savoir-faire devenu rare. L’expert passionné a gardé le sens de l’humour de son grand-père et un attachement au service clients qui mettra le sourire sur leur visage, l’éclat dans leur regard et le plaisir dans leur assiette.
Après un an de travail et de recherches avec le Studio Dada, la maison est heureuse de présenter à ses clients sa nouvelle image.
Entièrement retravaillées, les étiquettes de la marque « Maison Arostéguy » gagnent en clarté et les pots en praticité, pour une gamme plus homogène. Le parti pris a été de fouiller dans les archives de la Maison pour en récupérer les photos de familles de Pierre Arostéguy qui seront utilisées sur chaque produit… un trésor ! Un ensemble plus coloré, moderne et gourmand où l'authenticité basque est sublimée !
Au Pays Basque, entre Pyrénées et Océan, on cultive l’art des bonnes choses et du savoir-faire gastronomique. C'est ainsi qu’en étroite collaboration avec une conserverie de pêche de cette belle région, la marque "Maison Arostéguy" élargit sa gamme en élaborant des recettes exclusives autour des conserves de la mer : petites sardines, anchois de Cantabrie, Thon blanc Germon ou encore Thon Albacore.
Le choix de privilégier des poissons issus de pêches raisonnées, sélectionnés à la criée puis fraîchement mis en conserve manuellement est une volonté de la Maison pour offrir aux gastronomes des conserves de grande qualité aux valeurs nutritives préservées. De la mer à l’assiette, juste la fraîcheur, juste le meilleur de l’océan
Trente ans déjà, toute une vie, que Pierre Arostéguy est aux commandes de l’Epicerie du Progrès dont on célèbrera les 145 ans en 2020.
C’est l’occasion de faire le point avec lui. « Je suis visionnaire, j’aime voir loin ».
En 1994, c’est lui qui crée la marque Maison Arostéguy afin d’honorer le nom de sa famille. Aujourd’hui, celle-ci est présente chez plus de 80 revendeurs en France, dans près de 90 Monoprix, au Printemps du Goût, à la Grande Épicerie du Bon Marché, ici et là en Europe et au Japon. Une belle évolution pour l’Épicerie du Progrès !
« En 1999, la Maison Arostéguy était précurseur en créant son site internet » souligne Pierre ».
Son fil conducteur incontournable est celui « de ne pas être un épicier de luxe, mais un épicier de goût».